Dessiner un personnage en situation

 

Imaginons qu’ on a un projet, avec un récit, des scènes, et des personnages dont on a déjà trouvé les designs . Dans ce tutoriel je vais expliquer comment dessiner un personnage, dans une situation donnée, à tel ou tel moment du récit .

Lorsqu’ on travail seul, par exemple dans le cadre d’ une illustration, on peut se permettre de sauter des étapes, improviser, privilégier la spontanéité . Ça peut être très intéressant .
Mais c’ est pas ce dont je vais parler ici . Je vais aborder chaque étape,en allant du plus gros vers le plus détaillé, de façon à avoir une méthode sûre .

Avant de commencer, je récapitule brièvement, les bases . Ce qu’ on retrouve un peu partout dans n’ importe quel manuel :

1 Les canons de proportions

Ces proportions, sont des canons : on a estimé qu’ en moyenne, on tendait vers ces proportions . Évidemment, dans la réalité, ces proportions varient énormément . On peut très bien être adulte et avoir 6 têtes ou 9 têtes de hauteur . Avoir des jambes plus petites que le haut du corps, etc.

canons realistes
Et bien sûr, ce sont des proportions réalistes . Si on prend Mickey, sa tête ne rentre même pas 3 fois dans son corps . Même les personnages semi-réalistes font rarement une hauteur de 8 têtes .
Si je regarde cet image de Spider Man par exemple :

2 Trouver la bonne pose

Comme à chaque fois, on part de l’ essentiel : c’ est à dire l’ intention narrative .
Avant de se lancer, il faut d’ abord lire la scène, bien s’ imprégner des personnages, leur caractère, et se demander « comment je vais représenter cette action ? »

Pour une illustration libre aussi, je pense qu’ il faut penser à ça . Dessiner un personnage dans le vide sans aucune intention, ça a un intérêt très limité, même lorsqu’ on dessine bien .

On peut alors mimer son personnage . Se regarder dans le miroir . Chercher une pose expressive qui représente le personnage en question, et la dessiner .
Attention lorsqu’ on dessine à ce stade, on ne s’ attarde pas sur les détails . Pas de vêtement, d’ oreilles, etc. On fait des bonhommes en volumes simples . L’ idée est de représenter la pose sans s’ encombrer de tout autre élément qui pourrait distraire . Sans s’ arrêter à la première idée .

Il n’ y a pas une bonne pose, mais une infinité de poses aux sens différents . Il faut trouver laquelle est la plus intéressante par rapport à ce qu’ on veut exprimer .

Par exemple :

Imaginons qu’ on ait une scène avec 2 personnages à tables . Un homme demande à une femme de lui passer le sel . C’ est super simple à dessiner non ?

poses1
Maintenant si le personnage qui demande le sel est en fait un Roi, et son interlocuteur est son détenu.

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Ca change quand même tout au dessin . On voit bien que, même pour une action aussi commune que de passer du sel, on peut trouver une pose qui exprime un caractère bien particulier .
Pour aller plus loin, imaginons que le Roi est un jeune ado à peine adulte, un idiot qui se croit tout permis . Et l’ interlocuteur est une rebelle, plus agée, blasée mais pas du tout inquiétée .

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Et même en restant sur ces personnalités, je peux creuser plus loin et trouver d’ autres poses. Il y a toujours des variations intéressantes à trouver :

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Il s agit toujours d’ un jeune roi ado, et d’ une rebelle blasée .
Mais on peut noter de subtiles variations par rapport à la version précédente .
Dans la 3, le roi est joueur, il s’ amuse, tandis que dans la 4, il a l’air de jouir de son autorité, il est moqueur, un peu plus cruel .
Dans la 3, la rebelle regarde ailleurs, elle l’ ignore, mais peut-être que c’ est surtout pour ne pas lui faire plaisir et qu’ au fond ça l’ agace quand même un peu . Tandis que dans la 4, elle a vraiment l’ air d’ en avoir rien à foutre, elle s’ ennuie presque .

Bref . Vous l’ aurez compris, le moindre changement dans la pose peut apporter un aspect totalement différent au personnage . Un caractère nouveau . Et c’ est ce qu’ il faut chercher lorsqu’ on travaille la pose .

C’ est parfois très difficile de trouver « le truc » qui va rendre une pose vivante, réaliste . Et pour ça, il faut observer autour de soi au quotidien . Observer comment les gens parlent, marchent, agissent, etc. Et bien sûr, faire des croquis, pour bien enregistrer toutes ces poses, tous ces « actings » .

Des croquis de Matt Jones, storyboarder à Pixar . Notez qu’ il ne dessine aucun détail, aucun muscle . Tout ce qu’ il cherche, c’ est à capter les poses de chacun, leur habits, leur attitudes .

Lorsqu’ on observe ainsi les gens, on peut noter par exemple un détail très utile : la plupart du temps, les gens ne sont pas droits, symétriques, unidirectionnels .

Par exemple, dans cette planche de « Miss Truc » (j’ ai oublié son nom je vais chercher ça, c’ est une russe je crois) , notez les positions de chaque personnage ;

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Les jambes sont sur le côté, les têtes inclinées, les bras croisés vers l’ avant, sur le côté, etc.
C’ est ce qui rend ses personnages si réalistes dans leur poses .
Bien sûr, on peut aussi décider de faire un personnage tout droit, symétrique, etc. Si c’ est précisément ce qu’ on recherche . Comme c’ est le cas avec le dernier personnage de cette planche, qui évoque un personnage peut être un peu plus sérieux, rigide dans son caractère .

Un autre aspect qu’ on peut observer chez les gens, c’ est leur façon de faire plusieurs choses en même temps . Une personne par exemple, va marcher, décrocher son téléphone, s’ allumer une clope en même temps et regarder en arrière qui est cette personne qui vient de croiser son chemin .
Il peut donc être intéressant de combiner plusieurs actions en une seule pose, tant que cela ne gêne pas à la clarté de la scène . Car en bd par exemple, si on met trop d’ action dans une case, il peut arriver que le lecteur ne comprenne pas .
Il est aussi intéressant de décortiquer une action .On peut la séparer en 3 temps : anticipation, action, réaction .

action reaction petit

Logiquement, lorsqu’ on va chercher à représenter une action, on pensera à la phase de l’ « action » .
Mais le spectateur comprendra tout autant, si on représente seulement la réaction voire l’ anticipation.
Cela peut produire un effet différent, et intéressant à exploiter
Par exemple, cette image de Yukito Kishiro dans Gunnm Last Order .
On voit que c’ est un moment fort, le mangaka a sans doute décidé de consacrer une pleine page sur cet instant . Pourtant, il ne s’ agit pas à proprement parer du moment de l’ action . C’ est à dire le moment où elle éclate l’ oeuf .
Le moment choisit ici est légèrement décalé : l’ oeuf est éclaté, mais on voit encore les débris qui volent . Ca donne comme une pause à l’ action .
Si on avait pris le moment où elle éclate l’ oeuf, ça aurait donné au contraire un sentiment plus « dans l’ action » .

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3 Lignes de forces et lisibilité

Lorsqu’ on cherche la bonne pose il arrive parfois qu’ on trouve de bonnes idées, mais que le dessin ne ressemble à rien .
Il faut alors trouver une solution . Un dessin qu’ on ne comprend pas, c’ est un dessin raté .

Pour arriver à être lisible, il faut éviter qu’ il y ait trop de choses qui s’ entremêlent . Un moyen simple et efficace d’ être lisible est de faire attention à la silhouette du personnage . Et ne pas hésiter à s’ éloigner du dessin : il faut que la pose soit lisible de loin .

lisibilite


Mike Mignola, est un maître à ce niveau, voici quelques exemples de silhouettes efficaces et lisibles :


Parfois lorsqu’ on dessine, plusieurs lignes d’ éléments différents se rejoignent et se confondent, sans qu’ on fasse attention . On appelle ça des nœuds graphiques : il faut à tout prix les éviter car le lecteur confondra les plans et les éléments entre eux !

noeuds graphique

Non seulement on peut rendre son dessin plus lisible, mais on peut aussi le rendre plus dynamique, plus expressif, en jouant sur les lignes de forces . En dirigeant tous les éléments à travers des lignes de force, on peut accentuer certaines impressions de mouvement et de masses .

Dans mon 2ème exemple, le personnage qui se baisse pour rattraper un objet est plus dynamique et plus lisible avec des lignes de forces droites . Pourtant la pose n’ est pas naturel : en effet, dans la vie de tous les jours, on se baisse rarement comme ça pour attraper quelque chose . Ca ressemble plus a une pose de yoga .
On retrouve souvent dans certains mangas des poses théoriquement impossible à exécuter . Et pourtant ça marche .
Parfois, entre réalisme et dynamisme, il faudra faire un choix .

Lorsque que vous faites des croquis rapide, de nu, ou dans la rue . Essayez de capter ces lignes de forces . Amusez vous à les accentuer . Beaucoup de professeur de type « académique » ont tendance à dire qu’ il faut recopier fidèlement ce qu’ on voit, et ne pas regarder sa feuille . En effet, c’ est important pour savoir peindre et reproduire de façon réaliste . Mais, dans d’ autres cas, il est aussi intéressant de savoir au contraire s’ éloigner de ce que l’ on voit, et réinterpréter les poses, afin de les rendre plus dynamiques ou plus lisibles .

Voici quelques croquis de mouvements de Matt Jones, storyboarder chez Pixar :

Petit détail : Quand on observe de manière générale autour de soi, on a tendance à remarquer que tout est très varié . Chaque élément est différent . On a pas une chose parallèle ou de même taille .
On observe rarement une redondance, à part quand c’ est justement quelque chose de construit pour (traits d’ autoroute, poteaux, motifs naturels, etc.)
Or, quand on dessine, on a parfois tendance, inconsciemment, à reproduire des éléments de tailles semblables, parallèles, droites . Il faut faire attention à éviter ça .

variation rythme

4 La construction en volume

Une fois qu’ on a trouvé sa pose, qu’ elle est lisible et qu’ elle représente bien le caractère du personnage, on peut passer à la construction du dessin en volume .

Ici, il n’ y a pas vraiment d’ astuces à proprement parler, il s’ agit d’ avoir une vision en volume 3D, et de connaître un minimum l’ anatomie . Et pour ça, il s’ agit surtout de travailler suffisamment, jusqu’ à ce qu’ on intègre tout ça dans notre cerveau et qu’ on puisse le ressortir de façon naturelle (ça peut être long) .

Au début, on va d’ abord construire le corps en volumes simples . Si on commence son dessin en détaillant chaque côtés, chaque clavicule, on perd de vue l’ ensemble et on finit par avoir quelque chose de disproportionné .
On commence donc par des volumes simples tels que la cage thoracique, la tête, les bras, jambes, etc.

Si votre personnage est inscris dans un décors, il faut alors inscrire ces volumes dans la perspective .

Attention, au début, il peut être utile d’ inscrire chaque volume dans la perspective . Afin d’ être juste . C’ est important à travailler je pense, et à force, vous finirez par avoir une vision en volume plus instinctive, et vous pourrez inscrire vos éléments dans la perspective sans avoir nécessairement à tracer des lignes de fuites .
C’ est important de pouvoir s’ en détacher ensuite, parce que si le cerveau est trop focalisé sur la perspective, on finit par oublier tout un tas d’ autres éléments essentiels
et on risque de faire quelque chose de très carré . Or, comme je l’ ai précisé avant : dans une pose réaliste, on est jamais tout droit, on a plein d’ axe incliné et d’ asymétrie .
On peut ensuite diviser chacun de ces éléments en d’ autres éléments simples . C’ est là que l’ anatomie devient importante, car il faut connaître les muscles principaux et leurs attaches .

Par exemple :
tête . Cou . Cage thoracique . Bras . Jambes . Pieds. Main .

DEPARTITION DES MUSCLES

Une telle connaissance de l’ anatomie peut très bien suffire à beaucoup de styles de dessin .
On peut bien sûr aller plus loin, et apprendre les muscles plus en détails . Les muscles du bras sont très nombreux par exemple, ceux de l’ omoplates s’ imbriquent de façon complexe,etc.
Ces connaissances plus poussées seront surtout utiles pour les personnes qui veulent faire du dessin réaliste ou de la peinture .

5 Dessiner les habits et les cheveux

On commence maintenant à attaquer les détails . Ce sont les dernières touches, qui peuvent ajouter pas mal de volume et de réalisme à votre dessin .
Pas mal d’ objets peuvent se dessiner comme un volume . Par exemple les cheveux .
Au début, on a tendance a à vouloir dessiner chaque cheveux un par un . Or, pour vraiment avoir un rendu cohérent, il vaut mieux voir l’ ensemble des cheveux comme une masse, elle même divisée en plusieurs volumes . On peut éventuellement finir par dessiner quelques cheveux éparpillés.

REGLES

Pour les habits, il y a un autre paramètre à prendre en compte . En effet, chaque habit que l’ on porte possède des plis, qui suivent une logique particulière .
Les points de tension (lorsqu’ on prend un tissu et qu’ on tire sur un bout par exemple) et les zones de compressions vont influencer sur la direction que prennent les plis .

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D’ autre facteurs rentrent en jeu : la matière .
En effet, si l’ on porte un t shirt synthétique, un pull, ou une veste en cuir, les plis ne seront pas prononcés de la même façon . Certaines matières ont crée beaucoup de plis, d’ autres non .

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6 esthétisation et accentuations dans le dessin

(stretch, squash, rythme)

7 le rendu

(rendu du volume, abstraction/détail)

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